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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 11:24
   En complément j'ajoute un lien vers une autre entrevue dans Télescope (  n°183,31 janvier 1998.)
Avec des explications très claires sur le film et ses premiers plans.----------------->>>>link

Shoah

: rempart de la mémoire

 Interview extrait du numéro  spécial       des      CLES  DE  L ’ACTUALITE n°604      (20- 26 janvier 2005)

 

 Entre 1973 et 1985, Claude Lanzmann a réalisé une œuvre
somme de 9h30 sur la Shoah.

Son film a été diffusé en intégralité à la télévision
le lundi 24 janvier 2005. Interview.

 

 .Les Clés:Pour quelles raisons avez-vous entrepris la réalisation du film Shoah ?

 

 

 Claude Lanzmann : Je l'ai fait parce que cela n'avait jamais été fait auparavant. Ce film, c'est une tombe, une sépulture pour les six millions de juifs dis­parus durant cette guerre. À ma manière, j'ai tenté de les ressusciter. Non pas en les rendant vivants, mais en les tuant une seconde fois afin que, cette fois, ils ne meurent pas seuls. Afin que nous mourrions avec eux.

 

 

.Vous avez aussi voulu montrer la réalité des camps d'extermination...

Il faut d'abord bien distinguer camps de concentration et camps d'extermination.
Dans les premiers camps, les déportés étaient faits prisonniers dans des conditions
ignobles. Concernant les camps d'extermi­nation, qui se trouvaient en Pologne, et
 non pas en Allemagne, c'était pire: ils n'étaient rien d'autre que des abattoirs. Les
 personnes étaient gazées dans les trois ou quatre heures qui suivaient leur arrivée.
Les Allemands brûlaient ensuite les corps. Ils pilonnaient les gros os avec des dalles
de béton et dis­persaient les cendres dans les lacs ou les rivières. En hébreu,
le mot Shoah signifie "anéantissement". Ce qui est, en fait, le thème de mon film: la
 violence, la radica­lité de la mort dans les chambres à gaz.


  

· Pourquoi n'utilisez-vous aucune image d'archives des camps?

 

Parce qu'il n'en existe aucune. Il n'y a pas une seule photo du camp de Belzec,
où 800 000 juifs ont été tués. Les cadavres que l'on voit dans certains documentaires,
 comme Nuit et brouillard (NDLR : film fran­çais d'Alain Resnais, 1955), sont ceux
de personnes qui sont mortes du typhus dans des camps de concentration,
tout à la fin de la guerre.



· Vous avez rencontré des rescapés, mais aussi des officiers nazis. Comment les

avez-vous convaincus de parler?


Aucun d'eux n'a accepté de se confier. J'ai alors dû prendre une fausse identité et
les filmer avec une caméra cachée. Mais certains m'ont démasqué, et j'ai connu
des moments très durs, qui m'ont même conduit à l'hôpital.

· Pensiez-vous que votre film aurait un impact aussi important?

 

Durant les douze ans qu'ont duré le tour­nage et le montage, je n'avais qu'une
obses­sion: réussir une œuvre unique, parfaite. Je n'imaginais pas que, vingt ans
après sa sortie, cent millions de spectateurs dans le monde l'auraient vu. Mais j'en
suis fier.

 

· Votre film, c'est aussi un extraordinaire outil pédagogique...

 

 

En effet. Au début de l'année scolaire, le ministère de l'éducation a envoyé
un DVD de trois heures d'extraits de Shoah dans quatre mille cinq cent lycées
de France. J’ai alors participé à plusieurs débats avec les élèves.

 

 

 

 

 

· Comment réagissent-ils à cette expérience?

 

Ils sont poignardés par le film. J'en ai vu pleurer, y compris des jeunes des
lycées ­soi-disant difficiles. Ils me posent plein questions pertinentes:
"Que
faisaient les Allemands avec les cheveux des femmes ?  Avez-vous l'impression
d'avoir soulagé la souffrance des victimes?
etc.". Au début du film, j'ai écrit:
"L'action commence de nos jours". De nos jours, c'était en 1942, c'était en 1985,
 c'est encore aujourd’hui
et ce sera même dans dix ou trente ans la force de Shoah,
c'est qu'il est intemporel et donc à jamais ancré dans un présent naturel. .



Propos recueillis par Laurent Djian.

 

 

 
 

 

 

 
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